Je commencerai par un bref historique en matière de vente d’immeuble à rénover ou encore VIR. Ce régime juridique spécifique est né en 2006 suite à la parution de la loi dite « ENL » mais n’est entré en vigueur qu’en 2008 avec la publication au Journal Officiel du Décret n° 2008-1338 du 16 décembre 2008 relatif à la vente d’immeubles à rénover.
Ce nouveau contrat est venu s’intercaler entre la vente de bien immobilier bâti et celle de la vente d’immeuble sur plan dénommée VEFA (Vente en l’état futur d’achèvement). Les praticiens que nous sommes n’ont pas vraiment accueillis à bras ouvert ce nouveau contrat à mi-chemin entre deux outils que nous maîtrisions parfaitement. Pourquoi? Parce que le contrat de VIR est un contrat dont le champ d’application est difficilement appréhendable par les praticiens qui prennent la responsabilité du choix du contrat à conseiller à leur clients.
L’arrêt dont il est question dans cette brève d’actualité illustre parfaitement les dangers de ce contrat lorsqu’une opération de vente n’est pas bien appréhendée au départ et que le notaire ne maîtrise pas les aspects juridiques de ce contrat si peu usité.
Dans cette espèce, le vendeur avait commercialisé des lots à rénover.
Les acquéreurs entendaient exploités ces appartements en meublés pour personnes âgées. Les acquéreurs avaient signés des actes de vente sous forme de vente d’immeuble à rénover mais avaient réglé l’intégralité du prix avant achèvement desdits travaux.
La société venderesse ainsi que la société d’exploitation bénéficiaire d’un bail sur les lots ont toutes deux été placées en liquidation judiciaire.
Les acquéreurs ont formé une action en justice contre la société venderesse, la banque et le notaire rédacteur des actes pour faire annuler les contrats de vente et obtenir le versement de dommages-intérêts .
La cour d’appel de Bordeaux accueille leurs demandes en retenant que « les immeubles en cause étaient destinés à l’habitation, » qu’en conséquence leur vente auraient du prendre la forme d’une vente en l’état futur d’achèvement et non pas d’une vente d’immeuble à rénover. La cour relève alors même que les biens étaient destinés à une exploitation commerciale, ils n’en étaient pas moins des lots à usage d’habitation. Le notaire en cause aurait donc du conseiller la signature d’un contrat préliminaire d’achat (contrat de réservation), et respecter le régime applicable en VEFA.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en retenant que « les actes de vente comportaient transfert de propriété de lots d’un immeuble, que les travaux de restructuration n’étaient pas terminés au jour de la vente et que les acquéreurs avaient réglé intégralement le prix d’achat dans les jours suivant celle-ci et constaté que les lots vendus étaient des appartements meublés à usage d’habitation principale, avec chacun salle de douches, toilettes, cuisine, destinés à être habités à l’année par des personnes âgées, la cour d’appel a pu en déduire que l’usage d’habitation des locaux vendus était caractérisé et que l’article L. 261-10 du code de la construction et de l’habitation était applicable »
Le reproche que l’on peut donc faire au notaire est donc celui de s’être uniquement concentré sur l’existence de travaux de rénovation pour choisir de conclure des contrats de VIR sans même se pencher sur la nature des biens vendus et l’usage réel qui en sera fait après la fin des travaux. La logique opérée par ce notaire est incompréhensible puisqu’il a fait entrer la vente dans le champ d’application de la VIR sans même en respecter l’une des conditions essentielles qu’est le paiement échelonné des travaux à réaliser. Ce professionnel a donc fait preuve d’un manque de discernement évident dans cette affaire.
Cass. 3ème civ. 7 Janvier 2016