Depuis maintenant 2 ans les baux d’habitation régis par la loi du 6 juillet 1989 connaissent une constante évolution.
La dernière évolution touche aux travaux menant à la transformation des biens loués. En principe, et par application des articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur peut s’opposer aux travaux réalisés par son locataire qui consistent en la transformation physique du logement. En l’absence d’accord expresse du bailleur, ce dernier pourra en demander soit la réversibilité des travaux, soit la conservation de ceux-ci à son bénéfice et cela sans indemnisation du locataire.
Depuis la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que « des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l’objet d’une demande écrite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès du bailleur. L’absence de réponse dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d’acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l’état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »
En conséquence, le silence du bailleur vaut, ici, acceptation des travaux de transformation de la chose louée et cela sans que ce dernier puisse en demander la réversibilité en fin de bail. Telle est la grande nouveauté en matière de travaux exécutés par le locataire.
Le décret du 29 septembre n°2016-1282, pris en application de la loi pré-citée, est venu préciser ce régime dérogatoire et donner une liste limitative de travaux qui n’entraînent pas à la sortie des lieux une remise en état des lieux par le locataire et qui ne nécessite pas de réponse expresse du bailleur pour être légaux.
Deux conditions sont nécessaires pour que ce régime exceptionnel s’applique dans les rapports entre bailleur et locataire depuis le 1er octobre 2016 :
– Les travaux doivent avoir fait l’objet d’une demande écrite selon un formalisme précis ;
– ces travaux doivent également être justifiés par une évolution de la situation du locataire face à un handicap ou à une perte d’autonomie..
Qui paye ces travaux ?
Les termes de la loi sont clairs, ces travaux sont à la charge du locataire.
Quels sont les travaux listés par le décret n°2016-1282 ?
– création, suppression ou modification de cloisons ou de portes intérieures au logement ;
– modification de l’aménagement ou de l’équipement des pièces d’eau (cuisine, toilettes, salle d’eau);
– création ou modification de prises électriques ou de communications électroniques et de points d’éclairage ;
– installation ou adaptation de systèmes de commande (notamment : commande des installations électriques, d’eau, de gaz et de chauffage, interphone, signalisation, interrupteurs) ;
-installation d’élévateurs ou d’appareils permettant notamment le déplacement de personnes à mobilité réduite ;
-installation ou modification des systèmes de fermeture et d’ouverture (portes, fenêtres, volets) et d’alerte.
Que doit contenir la demande du locataire ?
Le locataire doit y faire figurer le détail des travaux envisagés et le nom de l’entreprise missionnée pour les exécuter. Le courrier envoyé par recommandé devra reproduire les termes de l’article 7 f) de la loi du 6 juillet 1989.
Après les travaux quid des droits du bailleur?
Si le bailleur a autorisé ces travaux, il ne pourra pas demander la remise en état, tel qu’indiqué dans le f) de l’article 7 de la loi de 1989. Cependant, il faudra pour cela que le locataire justifie avoir respecté les termes de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que ceux du décret du 29 septembre 2016 en produisant en fin de travaux une attestation d’achèvement à son bailleur.
Quid du rôle du gestionnaire immobilier ?
En tant que mandataire du bailleur, il revient au gestionnaire immobilier de veiller aux sollicitations de ce type et je vous conseille de ne pas laisser de demande sans réponse.
Le bailleur pourrait invoqué le fait qu’il n’a pas pris la mesure de cette demande et vous demander pourquoi il ne peut demander la remise en état. Gardons en mémoire, que la transformation de la chose louée a un impact sur sa valeur vénale, sur sa valeur marchande et que le bailleur se souciera certainement de cette question au moment où des difficultés se rencontreront lors d’une remise en location voir de sa mise en vente.
Il ressort également de l’analyse combinée de ce nouveau f) et du décret que la demande ne sera valable que si son contenu est conforme aux exigences de ces textes. Il revient donc au gestionnaire dans son rôle de conseil et son devoir de diligence de faire ce travail de vérification. Si tel n’est pas le cas, la responsabilité du mandataire pourrait être engagée. Enfin, cette procédure dérogatoire au régime de l’article 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989, est emprunte d’un certain formalisme. Le mandataire immobilier devra veiller à vérifier que le locataire a bien respecté celui-ci (demande par lettre recommandé avec accusé réception, remise d’une attestation d’achèvement, travaux effectivement réalisés).
Pour conclure, rappelons que la gestion locative fait peser une certaine responsabilité sur le mandataire immobilier qu’il ne doit jamais oublier lorsqu’il exerce ses missions. Est-ce que gérer pour autrui serait une tâche plus hardue que celle de transiger?